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espace 29 - site specific installation.
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welcome to the show
installation in situ
2021
espace 29
bordeaux / france / 14.10.2021 - 30.11.2021
commissaire pierre-antoine irasque
collaboration avec le frac meca
techniques mixtes
papier peint, captations photographiques, masques, costumes,
néons, corbeaux, vidéo, performances, rideaux lamées rose et or
installation in-situ pensée spécialement pour l'espace 29
en dialogue avec six œuvres de pierre molinier provenant de la collection du frac meca
crédit photo © bruno falibois & fang dong
Welcome to the show
Bienvenue dans la galerie, d’art ou des horreurs, à vous de voir. Ici, l’illusion règne en maîtresse et les corps se désinhibent, disposés à toutes
les métamorphoses. La fête qui s’y déroule accueille les créatures de la nuit que le jour rend marginales, elle leur offre un refuge qui devient tout aussitôt leur scène. Elle a l’allure d’un spectacle de cabaret, d’un tournage de cinéma ou d’une réception mondaine décadente. Tout ça à la fois. Mehryl Levisse ouvre au public un étrange spectacle muséal au sein duquel se redessinent ensemble les normes des genres et les contours du corps. Le vernissage est un freakshow, ponctué par les performances de singulières créatures, des drags dont il réinvente les costumes et les gestes. Elles évoluent dans un paysage monstrueux, composé de fragments de corps et d’habits de lumières, qui emprunte ses codes au milieu de la nuit, à la série Z d’horreur et au cinéma underground. De cet événement inaugural, l’exposition n’en montre plus que les ruines, comme une fin de party qu’on apprécie à partir de ses traces. Petit théâtre des identités ambigües, Welcome to the show réalise la synthèse des recherches de l’artiste sur l’ornemental et la parure, la présence performative, le jeu sexuel et le trouble dans le genre. À travers la confection d’un papier peint punk, de costumes excentriques et d’autres curiosités plastiques, marqueurs de son esthétique, Mehryl Levisse rappelle ici le queer à ce qu’il a de plus délicieusement bizarre, ouvrant l’espace d’un entre-deux, au seuil de la nuit, à la croisée des genres, quelque part entre le creepy et le merveilleux.
Welcome to the show est avant tout l’invention d’un lieu. Un papier-peint vert dans sa partie supérieure, en rappel de The Rocky Horror Picture Show, noir et blanc en bas, typique des seventies, en constitue la trame de fond. Il accueille six collages originaux de Pierre Molinier, des jeux de jambes qui font directement écho aux motifs dessinés par Mehryl Levisse, par ailleurs associés à des gants ménagers en référence à l’icône
de John waters, Divine, mère au foyer trash dans Polyester ou Hairspray. L’espace est nimbé d’un rose, parfait contraste au vert mural, installant l’atmosphère d’une maison close ou d’un peepshow. La sexualisation de l’espace est encore appuyée par les trois cellules centrales, délimitées par des rideaux en lamé or, littéralement des golden showers qui subliment les costumes de quatre personnages iconiques : « π » et « π2 », comme la moitié d’un.e dame/sieur-pipi, devenant pour l’occasion gardien de musée, « Thing », en référence à La Chose dans la Famille Addams, ici un spectateur qui se fond dans le public, et « Unwabu », un autre caméléon, issu cette fois de la mythologie zoulou. Inspirés des bouffons du roi et du médecin de peste, les trois créatures masquées célèbrent l’absurdité d’un monde au temps des épidémies, depuis celle du SIDA jusqu’à celle du coronavirus. Ici, on conjure la mort par la fête, quitte à se laisser gagner par sa morgue.
Le soir du vernissage, deux hôtesses assurent l’accueil, les murs prennent vie et un gogo danseur, tout en nippies et pompons, assure le show. Son costume, une accumulation de cache-tétons sur un académique couleur chair, donne l’illusion d’un pullulement d’excroissances à même
la peau, qui effraie autant qu’il fascine. Entre le freak, la prostituée et la drag, Mehryl Levisse mobilise toutes les figures des cultures alternatives dans lesquelles il inscrit son travail. Autre star de la soirée, Freya Kor, ténébreuse vamp en trench noir, résilles et corset, déambule pendue au bras de l’artiste. L’icône d’un soir campe le rôle d’une veuve noire, d’une muse hitchcockienne à l’allure divinesque, une réminiscence de personnages de série B, tels que Vampira, Elvira ou Morticia Adams, un hommage haut-en-couleurs aux films en noir et blanc. On pense aussi à Leigh Bowery et à Klaus Nomi, à ces corps exubérants qui dégomment les stéréotypes de genres dans des explosions de paillettes.
La fête finie, reste une scénographie muséale marquée par le monstrueux. En rappel des collages de Molinier, les socles ou les murs sont affublés de membres autonomes qui, en prenant la pose, leur donnent vie, jouant sur l’illusion d’une projection animiste. Croisements de jambes, appels du talon, mains gantées et jeux de bras rappellent le manoir enchanté de La Belle et la Bête de Cocteau. Ces fragments de corps, les traces qu’ils laissent, ces vides qui peuvent prendre la forme de glory holes, font signe vers des corps invisibles, récurrents dans l’œuvre de l’artiste. Manipulateur de marionnette, présence muette ou illusionniste, en tenue de camouflage ou en combinaison pour fond vert, le corps discret, voire effacé, se fait en effet de plus en plus présent dans sa galerie de personnages. Il s’agit pour lui de confondre l’activité du spectateur avec la position du voyeur, de celui qui voit sans être vu, mais aussi de concentrer son attention sur la parure plus que sur le corps qui la porte, et d’en faire le véritable support de l’expression identitaire. Mehryl Levisse présente enfin deux captations photographiques, Naissance patriotique et Plus royaliste que le roi, dans lesquelles la mise en scène d’un corps agenré, intégralement maquillé, place le symbole politique au cœur d’un décor de fin de soirée, un peu cheap, comme une allégorie déguisée du déclin de la démocratie. Par ce geste, l’artiste rappelle que sous les ors de la fête comme sous ceux de la république, l’excentricité peut être un acte de résistance, un moyen de déjouer les politiques du corps et d’en déconstruire les identités assignées.
texte de Florian Gaité
Docteur en philosophie et critique d'art
français
anglais